Lorsque je reçois une maman en consultation, je l’invite à me raconter son ressenti depuis la naissance de son enfant, et j’aime également qu’elle me parle d’elle, de sa grossesse tout en partageant avec moi la manière dont elle a vécu le démarrage de son allaitement. Les mères me sollicitent le plus fréquemment pour des problèmes de crevasses, de mamelons douloureux, ou bien de prise de poids. Et je suis souvent affligée quand elles me relatent des épisodes qu’elles jugent traumatisants.
Je retrace avec elles leur histoire, et j’entends hélas souvent que, dans le but d’aider un bébé à prendre le sein, on l’a plaqué énergiquement sur la poitrine de sa maman. Il arrive aussi qu’on ait pincé le mamelon pour l’étirer et le mettre dans la bouche du tout petit. Ce qui, de la part du soignant, avait pour but d’accompagner la mise au sein, est ressenti comme brutal par la maman et souvent aussi par le bébé. Certains s’arquent alors farouchement en arrière et donnent l’impression de repousser le sein. Il en faut peu pour créer ce que l’on pourrait qualifier de traumatisme.
Oser poser les mots / maux
En effet, il arrive que des bébés refusent de téter par la suite et qu’il soit nécessaire d’user de ruses pour les ré apprivoiser et leur montrer qu’ils sont capables de téter sans contrainte.
Pour certaines mères aussi, le vécu est particulièrement déplaisant. Elles n’osent pas forcément l’exprimer, mais ces mises au sein vigoureuses leur semblent intolérables. Elles s’imaginent qu’allaiter revient à forcer leur bébé d’une certaine manière et elles se sentent décontenancées par des méthodes qui les troublent, bien qu’elles n’osent pas toujours le dire.
Bien sûr, de nombreux bébés parviendront tout de même à téter sans difficulté par la suite. Que dire cependant de ceux qui seront sevrés précocement au motif qu’ils ne prennent pas assez de poids ou qu’ils tètent mal au point de continuer à provoquer des crevasses? Leur a-t-on donné une chance d’exprimer leurs pleines compétences ? Seraient-ils parvenus à trouver le chemin du sein en douceur si on ne les y avait pas forcés ? Quel souvenir gardent-ils de ces expériences de forçage ? Combien d’enfants auraient eu la chance d’être allaités si l’accompagnement du début s’était basé sur des notions simples de compréhension des besoins de nouveau-né et de ses modes d’expression ?