Le quatrième trimestre de gestation

Le quatrième trimestre de gestation

Par :   Myriam Panard.   |  Categories :   Les débuts de l'allaitement

Peut-être avez-vous du mal à imaginer à quoi ressembleront vos journées durant les premières semaines qui suivront la naissance de votre bébé ? C’est normal car pour l’instant tout est flou et les images qui vous viennent à l’esprit, tel un rêve, sont sûrement celles d’un bébé paisiblement endormi dans un berceau au milieu d’une chambre d’enfant joliment décorée.  Eh bien, en fait la réalité sera tout autre ! En effet, votre bébé agira les premiers temps comme s’il était encore dans votre ventre tellement il sera physiquement attaché à vous : votre corps représente son milieu naturel et l’allaitement assurera la continuité biologique, vos seins venant prendre le relais du placenta. Son sommeil vous semblera désorganisé, chaotique, dépendant essentiellement de vous pour la phase d’endormissement... On évoque souvent ce moment charnière des trois premiers mois de vie comme « le 4ème trimestre de grossesse ». Or, le trop-plein d’émotions nouvelles, la fatigue et le manque de sommeil peuvent venir perturber cette transition naturelle du ventre au monde. Comment alors vivre au mieux ce passage obligé de votre maternité ? 

Dès que vous devenez parent, les conseils fusent de toute part notamment à propos de la gestion du sommeil de votre bébé comme si vous alliez être jugée en fonction de sa capacité à faire ses nuits, c’est-à-dire dormir au moins 5 heures d’affilée la nuit. Ces conseils, même venant de personnes bien intentionnées, ne prennent souvent pas en considération le développement normal du sommeil des bébés et rendent les attentes des parents irréalistes, ce qui est source d’inquiétude et de remise en question. 

Voici 3 points essentiels dont vous n’avez peut-être pas entendu parler à propos de ce 4ème trimestre :

Restez connectée à votre bébé

Les suites de couches sont en général fatigantes, car en plus de possibles douleurs, vous accumulez des heures de sommeil en moins et vous aurez tout de suite la tâche de vous occuper d’un petit bébé. Celui-ci dépendra surtout de vous pour satisfaire ses besoins vitaux.

De plus, vous serez sûrement confrontée à des avis contradictoires en ce qui concerne votre allaitement, le couchage de votre bébé, les soins à lui prodiguer, ce qui sera très déstabilisant et source de fatigue supplémentaire, voire d’épuisement mental. 

maman et bébé connectés

Comme tout cela sera nouveau pour vous et que vous voudrez bien faire car c’est de VOTRE bébé dont il s’agit, vos sens seront en alerte constante malgré l’extrême fatigue. Vous serez tellement tendue, nerveuse, si peu sûre de vous face à ces nouvelles responsabilités de jeune maman que vous aurez du mal à trouver le sommeil, c’est comme si vous deveniez insomniaque et cela peut vite devenir insupportable… Vous aurez souvent les nerfs à vif, ce qui vous empêchera de dormir, les moindres bruits de votre bébé vous feront sursauter, vous scruterez constamment la montre à cause des protocoles hospitaliers que vous subirez certainement.

Le mieux serait de prendre le temps de vous connecter à 100% avec votre bébé et d’accepter l’aide de votre entourage pour prendre soin de vous et vous faciliter la vie. Toutes les tâches domestiques devraient être prises en charge, comme c’est le cas dans les cultures où l’allaitement est la norme. Dans ces sociétés, durant les 40 premiers jours qui suivent l’accouchement la maman ne fait rien d’autre que passer son temps avec son bébé à se reposer en l’allaitant souvent couchée, elle est nourrie, chouchoutée, massée, valorisée pour un bien-être total et une bonne mise en place de sa lactation. 

Heureusement, jour après jour vous gagnerez en confiance dans votre allaitement et dans tous les soins à apporter à votre bébé, vous prendrez petit à petit vos marques et vous vous détendrez progressivement. La fatigue ne disparaitra pas car un bébé demande beaucoup d’attention jour et nuit mais en tout cas vous n’aurez plus l’impression d’être constamment sur des chardons ardents.

Les nuits d’un nourrisson les premiers mois

Un bébé est programmé pour se réveiller la nuit, il dépend de sa mère pour réguler sa respiration, sa température et pour s’alimenter. Cela peut prendre plusieurs mois avant que votre bébé n’acquière un rythme circadien stable de veille-sommeil, contrairement à ce que de soi-disant experts en sommeil des tout-petits pourront vous faire croire. Les tout premiers mois, les bébés font de courtes siestes et des repas fréquents, ils peuvent dormir au total entre 14 et 18 heures mais rarement plus de 3-4 heures d’affilée, il est difficile de les poser dans leur berceau et ils dorment plus paisiblement dans vos bras, d’où l’intérêt de les porter en écharpe. Autour de 3-4 mois, la période de sommeil la plus longue sera la nuit pour la plupart des bébés et ils arrivent à passer plus facilement d’un état de veille à un état de sommeil profond sans phase paradoxale contrairement aux premiers mois où les phases de sommeil léger et indéterminé dominent. Une certaine maturité dans les cycles de veille-sommeil commence à prendre forme. Chaque bébé est différent et agit en fonction de ses propres rythmes biologiques, il est donc inutile de vouloir les forcer à prendre un rythme s’ils ne sont pas encore prêts. Certains sont de gros dormeurs, d’autres de petits dormeurs préférant se nourrir beaucoup plus souvent. Durant une bonne partie de la première année, vos nuits seront donc forcément interrompues, et c’est tout à fait normal ! Selon une récente étude canadienne menée par Marie-Hélène Pennes-tri (2018), plus de la moitié des bébés de six mois ne dorment pas quotidiennement huit heures d’affilée alors autant compenser la journée par une ou deux siestes. Les recherches sur le sommeil ont démontré l’efficacité d’une sieste quotidienne pour la récupération physique et mentale d’une personne qui manque régulièrement de sommeil nocturne, alors ne vous en privez pas !  

Lieu de couchage de bébé et votre repos 

Le confort et la sécurité de votre bébé seront essentiels pour votre tranquillité d’esprit et même si vous pensez installer votre bébé dans sa chambre, vous ne le ferez pas car vous ressentirez le besoin de le surveiller. Rappelez-vous : au début, vous et votre bébé serez en quelque sorte fusionnels. D’ailleurs, selon les recommandations de l’UNICEF, le bébé devrait dormir dans la même pièce que ses parents durant les six premiers mois afin de faciliter l’allaitement et de limiter les risques de mort subite du nourrisson. Le meilleur arrangement est de fixer un petit berceau cododo à votre lit, ainsi vous aurez votre espace et votre bébé aura le sien tout en étant très proche de vous. 

le couchage de bébé

Mais malgré tout, contrairement à ce qu’on pourra vous dissuader de faire, il vous arrivera même de partager le sommeil de votre bébé dans votre propre lit surtout les premiers temps si votre bébé ne peut s’endormir autrement qu’en contact étroit avec vous. Le plus important est de respecter les normes de sécurité du sommeil partagé publiées par l’UNICEF (matelas suffisamment ferme, pas de canapé, protection pour éviter les chutes ou les glissements entre un mur et le lit, pas de couette sur le bébé, vêtements légers, pas d’animal domestique). En fait, dans beaucoup de cultures cette pratique est même la norme. Au Japon par exemple, laisser dormir un bébé seul est inenvisageable, ce serait, selon les Japonais, le confronter à une situation de trop grand isolement. La plupart des mamans africaines elles-aussi dorment avec leur bébé jusqu’au sevrage. Mais attention, il est important de ne pas choisir ce mode de sommeil partagé si vous êtes fumeuse, si vous avez consommé de la drogue, de l’alcool ou si vous prenez certains médicaments qui vous rendraient somnolente. De plus, une maman allaitante est en hypervigilance inconsciente, elle adopte des positions de sommeil protectrices pour son enfant.

Pour conclure, attendez-vous à vivre un grand chamboulement physique et émotionnel à l’arrivée de votre bébé ; vous vous sentirez épuisée, débordée, souvent anxieuse dans les débuts mais si on prend soin de vous, vous saurez écouter votre petite voix intérieure qui vous poussera à être proche de votre bébé jour et nuit, comme durant votre grossesse. L’allaitement maternel et le sommeil partagé vous permettront d’être en phase avec votre bébé et de satisfaire tous ses besoins vitaux de proximité, de chaleur, de sécurité et de nourriture. Cette bulle sensorielle dans laquelle vous serez tous les deux vous permettra de synchroniser vos horloges internes, pour davantage de repos et de sommeil. Ainsi, ces trois premiers mois d’adaptation et d’ajustements vous paraitront tel un continuum naturel et nécessaire pour nouer un lien très fort et vivre en belle harmonie avec votre bébé.  

- "Le quatrième trimestre de la grossesse" d'Ingrid Bayot 

- "Dormir sans larmes, Les découvertes de la science du sommeil de 0 à 6 ans" de Dr Rosa Jové

Recommandations de la CoFAM sur le sommeil partagé

- Photos Pexels de Sarah Chai et William Fortunato 

Enseignante de formation initiale et trilingue, Myriam Panard est devenue consultante en lactation IBCLC en 2009 à Londres.

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