Le sommeil du bébé allaité

Le sommeil du bébé allaité

Par :   Valérie Lacroix.   |  Categories :   Zoom sur

Il y a des jours à thème où l'on dirait que toutes les jeunes mères qui vivent les mêmes problèmes expriment leur ras le bol en même temps. Et il y a des jours où les problèmes rencontrés par les mamans allaitantes qui m'appellent sont "contraires".

Dès 9:05 ce matin, Mme D. m'appelle, la voix noyée de larmes : "Vous m'avez bien aidée quand j'avais des crevasses alors je vous rappelle parce que là vraiment je n'en peux plus. Mon bébé téte trois ou quatre fois par nuit, depuis deux mois. Je voudrais juste avoir une nuit complète. Qu'est-ce que je peux faire?"

9:40, Mme R. : "Mon bébé fait ses nuits depuis quatre jours, j'ai une grosse baisse de lait, qu'est-ce que je peux faire?" (°)

Tiens, j'ai bien envie de donner le numéro de Mme R. à Mme D. pour qu'elles puissent échanger !

Tout ceci m'a amenée à traiter aujourd'hui d'un sujet qui concerne tous les parents allaitants ou presque : les nuits en pointillé. Le "presque" correspond à la toute petite partie des parents dont le bébé, bien qu'allaité exclusivement, dort huit ou neuf heures d'affilées, et ceci sans que la lactation n'en souffre. Ils ne se rendent pas forcément compte de la chance qu'ils ont, ils peuvent même penser que c'est leur méthode éducative qui porte ses fruits... jusqu'à ce qu'ils aient un deuxième enfant qui est alors tout à fait différent, et là, le retour à la réalité est brutal !

Je précise aussi qu'il y a des mamans, et je revendique mon appartenance à ce groupe sur une bonne partie de mes allaitements, qui aiment allaiter la nuit. Oui, je l'affirme : être lovée autour de son bébé dans la chaleur du lit conjugal, main caressante et soutenante du partenaire sur notre épaule, fait partie des plaisirs de la vie. Mais il faut bien avouer qu'à la xième tétée de la nuit, on peut avoir un léger mouvement d'humeur.

Enfin, ce n'est pas parce que votre enfant va boire beaucoup de lait maternel ou prendre des préparations commerciales pour nourrisson qu'il va dormir plus.

Les tétées fréquentes font partie d'un processus de maintien de la lactation et de maturation cérébrale, petit à petit en répondant à ses besoins, bébé se régulera.

Je crois qu'avec un peu d'organisation et en étant soutenue, l'extrême majorité des mères devrait parvenir à concilier l'allaitement à un sommeil correct, pour le plus grand bonheur de tous.

Dormir comme un bébé ?

Je me souviens très bien qu'enfant, j'avais trouvé une blague dans un de ces caramels longs dont je tairai la marque. Je ne l'avais pas comprise à l'époque. D'ailleurs, elle m'avait trotté longtemps dans la tête, telle une énigme à résoudre. Depuis, bien sûr, mes enfants m'ont largement éclairée sur le sujet. La voici : "Ceux qui utilisent l'expression dormir comme un bébé n'en ont certainement jamais eus."

L'expression "dormir comme un bébé" recèle pourtant sa part de vérité. Mais la physiologie du sommeil ne fait pas partie des attributions des fabricants de confiseries.

Penchons-nous un peu sur cette physiologie...

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Le cerveau d'un bébé n'est pas mature et son sommeil par conséquent ne l'est pas non plus. Les deux se construisent progressivement, et ce notamment grâce aux précieux acides gras contenus dans le lait maternel.

Voici quelques repères qui vous permettront d'être patient(e), car lorsqu'on sait où l'on va, le chemin est tout de même plus facile !

La physiologie du sommeil chez le bébé

-La différenciation jour/nuit apparaît vers trois-quatre mois, mais ne sera définitivement mise en place que bien plus tard ! Ce qui pour nous est évident – la nuit, on dort – ne l'est pas du tout pour votre bébé...

-les cycles de sommeil sont plus courts et plus actifs donc le bébé se réveille plus souvent qu'un adulte (cela peut d'ailleurs être un mécanisme de protection pour éviter les apnées du sommeil, donc finalement, on peut y voir du positif !)

-Le sommeil paradoxal (léger) est majoritaire et va en diminuant jusqu'à l'âge de deux ou trois ans.

-Le temps de sommeil lent et profond est beaucoup plus court que chez l'adulte. Par contre, il est vraiment très profond, et dans cette phase de sommeil, la vérité ci-dessus apparaît dans toute sa splendeur : il est impossible de réveiller le bébé. La maison pourrait bien s'écrouler que pas un mouvement n'agiterait le visage paisible du petit dormeur. Ce n'est donc certainement pas à ce moment-là qu'il faut réveiller le bébé pour lui proposer le sein, cela ne marchera pas !

-Il est tout à fait normal qu'un bébé d'un an se réveille la nuit.

-Un bébé qui dormait huit heures d'affilées à trois mois peut tout à fait se réveiller à nouveau quelques mois plus tard (sans pour autant que ce soit nécessairement votre lait qui soit en cause, comme je l'entends très souvent...).

-Les bébés nourris aux préparations commerciales pour nourrissons étant, par définition, dans une situation alimentaire artificielle et non physiologique, peuvent avoir un sommeil plus lourd. Face à une maman non allaitante qui clame bien haut que son bébé fait ses nuits depuis la sortie de la maternité, respirez bien fort, ne vous découragez pas, et ayez plutôt une pensée pour elle, qui risque de se lever ensuite bien plus souvent qu'à son tour, si son bébé est fréquemment malade.

-Enfin n'oublions pas que le sommeil est très variable d'un individu à un autre, ceci est valable pour les bébés bien entendu.

Patience, patience...

Une chose est claire : inutile d'exiger de votre enfant qu'il dorme comme vous avant au moins deux ans (voire plus pour certains). Votre bébé représente tant pour vous, respectez-le en respectant ses besoins physiologiques, y compris sa digestion et son sommeil. Mais comment faire pour ne pas craquer quand on est épuisée ?

Les premiers mois, et a fortiori tant que la maman allaite, il faut reconnaître que le sommeil partagé est bien souvent une bonne solution. 

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Plus tard, lorsque les tétées nocturnes sont peu fréquentes voire terminées, il faut chercher des "aménagements". Par exemple, mon mari et moi avions mis en place un système de garde. Une nuit sur deux, nous avions la charge de rendormir le ou les enfants réveillés. Lorsque nous n'étions pas de garde, nous fermions les écoutilles, et cela faisait une bonne nuit de sommeil. Une nuit sur deux, c'est un vrai luxe !

A chacun et chacune d'inventer les astuces qui feront que le matin, l'ensemble de la famille aura à peu près bonne mine !

(°) Il est recommandé dans les premiers mois de ne pas dépasser six heures sans tétée pour un bon maintien de la lactation

Valérie Lacroix, fondatrice de la société Grandir Nature, est consultante en lactation certifiée IBCLC.

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