Lors de mes consultations en néonatalogie, j’ai longtemps entendu dire qu’« allaiter empêche de dormir à souhait, de récupérer » et que « ce n’est pas recommandé d’allaiter quand on a besoin de beaucoup de sommeil », ou encore que, « les femmes à tendance dépressive ne devraient pas allaiter sous peine d’aggraver leur humeur morose....».
Je ne savais que penser de toutes ces allégations et ces discours récurrents me dérangeaient. Lors d’une journée internationale de l’allaitement à Paris en 2001, alors fraîchement certifiée consultante en lactation IBCLC, j’ai eu le privilège de rencontrer le Dr Kathleen Kendall-Tackett.
J’avais eu connaissance de ses travaux sur l’approche psycho-neuro-immunologique de la dépression et les implications chez la mère allaitante. Madame Kendall-Tackett, données probantes à l’appui, concluait son intervention par : « l’allaitement abaisse le niveau de stress et protège la mère sur le plan émotionnel. L’allaitement protège aussi les bébés vis-à-vis de l’impact négatif d’une dépression maternelle » (1).
Un sommeil profond pour maman et pour bébé allaité
Le Dr Kendall-Tackett rapportait dans une autre étude menée sur plus de 6000 femmes de 59 pays différents, que l’endormissement était plus rapide, et la durée totale de sommeil était aussi longue voire plus chez les mères allaitantes qui déclaraient des troubles du sommeil avant la grossesse (du fait d’antécédents traumatiques de vie), comparées aux mères n’allaitant pas, ou allaitant en mixte quels qu’aient été leurs antécédents et leurs éventuels traumatismes. (2)
Déjà en 2002, chez une douzaine de mères allaitant exclusivement comparées à des mères n’allaitant pas, et des femmes témoins n’ayant pas accouché, Blyton et Col (en utilisant des appareils enregistrant le sommeil chez les participantes à domicile) mettaient en évidence une augmentation de la durée de sommeil lent chez les femmes allaitantes 182 ± 41 min alors qu’elle était de 86 ± 22 min chez les femmes témoins, et 63 ± 29 min chez les mères utilisant des préparations pour nourrissons. Dans cette étude, la durée totale de sommeil était similaire (3).
Il est de notoriété publique que le sommeil lent profond est le plus réparateur pour le corps, et qu’il favorise les défenses immunitaires. Les femmes qui allaitent ont donc les outils biologiques pour mieux récupérer physiquement et mieux se défendre contre les stress environnementaux.
Depuis ces 20 dernières années, les données se sont multipliées permettant de mettre à mal toutes ces idées reçues véhiculées par notre société et impactant les mères allaitantes. Ces dernières reprennent parfois, à leur corps défendant, un discours alimentant ces représentations culturelles.